Le projet de loi d’accélération des énergies renouvelables : accélère-t-on vraiment ?
Rédigé par
Anne Vuillaume
Catégorie
Juridique
La loi d’accélération des énergies renouvelables apparaît dans un contexte de crise énergétique et climatique sérieux. Les scientifiques n’ont de cesse de le montrer : il est vitable de réduire de manière significative nos émissions de gaz à effet de serre ainsi que notre consommation d’énergie (1). loi d’accélération des énergies renouvelables est apparue avec plusieurs objectifs bien définis. Le premier grand objectif de ce projet de loi est de rattraper le retard de la France dans son développement des énergies renouvelables. En effet, en 2020, la France s’était fixé des objectifs ambitieux en pensant atteindre 23% de la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique français. La France était malheureusement le seul pays à ne pas atteindre l’objectif qu’il s’était fixé. De plus, dans son discours de Belfort, le chef de l’Etat s’est fixé des objectifs très ambitieux pour 2050. Cette loi s’articule autour de trois axes principaux :
- Simplifier les procédures.
- Mobiliser des espaces délaissés ou dégradés
- Mieux partager la valeur avec les territoires.
En ce qui concerne la loi d’accélération des énergies renouvelables, Le 24 janvier 2023, députés et sénateurs réunis en commission mixte paritaire ont trouvé un accord sur une version finale du projet de loi. Le 7 février, le texte a été voté dans les mêmes termes par les deux assemblées et sera ainsi promulgué.
Les points clefs du projet de loi relatif à l’accélération des énergies renouvelables
Plusieurs mesures phares sont à retenir du projet de loi dans sa rédaction actuelle.
Les zones d’accélérations des énergies renouvelables
Il est prévu qu’un décret en Conseil d’État identifie les zones propices à l’implantation des installations sur l’ensemble du territoire, mais il reviendrait d’abord aux collectivités locales et à leurs groupements de définir ces zones qui ensuite seulement seraient avalisées par décret. Si un projet photovoltaïque débute sur l’une de ces zones, la durée maximale d’examen de la procédure sera désormais de 3 mois (2). Quand une zone d’accélération est créée et qu’elle a fait l’objet d’une étude environnementale, les permis et autorisations délivrés ultérieurement sont dispensées de procédure complémentaires.
Les critères de définitions d’une zone d’accélération d’énergies renouvelables sont:
- Présenter un potentiel d’accélération
- Contribuer à la solidarité entre les territoires
- Être définies pour chaque catégorie en tenant compte de la diversification des énergies renouvelables au regard des potentiels de territoires concernés et de la puissance d’EnR déjà installées
- Les zones d’accélération ne doivent pas être comprises dans un parc national ou une réserve naturelle (sauf si l’installation est sur une toiture d’un bâtiment situé sur cette zone), s’agissant d’éoliennes dans un site classé dans une zone de protection spéciale ou dans une zone spéciale de conservation au sein du réseau Natura2000.
- Les zones doivent valoriser les zones d’activités économiques
Concrètement, la détermination de ces zones se fera en suivant plusieurs étapes majeures, qui sont les suivantes :
- La première étape sera la mise à disposition pour les élus locaux et les parlementaires, par l’Etat et les gestionnaires de réseaux, des informations relatives à l’implantation des énergies renouvelables dans un délai de 6 mois à compter de la promulgation de la loi.
- Il s’agira ensuite de procéder à l’identification des zones d’accélération par les communes à compter de la mise à disposition des informations disponibles par l’État.
- Il conviendra ensuite de procéder au recensement des listes des zones d’accélération par la conférence territoriale des maires et présidents des EPCI réuni par le référent préfectoral (sans qu’un délai pour la réalisation de cette étape ne soit fixé par les textes).
- Il y aura ensuite la publication par les référents préfectoraux de la cartographie des zones identifiées à l’échelle du département.
Il est également possible – dans le cadre de la procédure énoncée auparavant – pour les collectivités de définir des zones d’exclusions sur lesquelles il ne sera pas possible d’implanter un projet EnR.
Il s’agit d’une lourde charge pour les communes. On peut ainsi valablement se poser la question des modalités pratiques de mise en place de ces zones d’accélération. Les critères pour l’établissement de ces zones nécessitent de bonnes connaissances des territoires mais également des compétences techniques importantes.
La mise en avant de la mission des Générateurs prend ici tout son sens puisqu’ils ont les compétences nécessaires pour permettre d’établir de manière logique et en adéquation avec les territoires, la liste des zones potentielles d’accélération sur les territoires.
La construction de projet EnR pour raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM)
Cette qualification permet ainsi aux projets EnR d’avoir une plus grande sécurité juridique car elle assure qu’une des conditions permettant d’obtenir une dérogation espèces protégées, est remplie. Si cette qualification de RIIPM est accordée aux installations en elles-mêmes, elle est étendue aux ouvrages pour le stockage, le raccordement au réseau de transport et de distribution de l’énergie. Il est important de préciser que des critères seront définies ultérieurement par décret afin de connaître les énergies renouvelables susceptibles de bénéficier de l’appellation, la puissance limite….
Si cet article a fait débat car beaucoup jugent qu’il permettrait des atteintes conséquentes aux espèces animales et végétales protégées, il faut rappeler que la condition du maintien de l’espèce concernée dans un bon état de conservation reste un élément essentiel pour l’attribution de la dérogation espèces protégées.
Les dérogations pour les terrains artificialisés, délaissés ou dégradés.
Pour permettre des constructions d’ouvrages photovoltaïques sur les terrains artificialisés, délaissés ou dégradés certaines dérogations au code de l’urbanisme ont vu le jour.
La première dérogation majeure porte sur la loi littoral puisque la loi d’accélération prévoit qu’il sera possible d’implanter des ouvrages de production d’énergie solaire sur des friches ou des bassins industriels de saumure saturée.
La seconde dérogation au code de l’urbanisme concerne l’implantation d’ouvrages de production d’énergie solaire au sol en discontinuité d’urbanisme dans les communes de montages dotées d’une carte communale.
Ces deux mesures phares vont permettre le développement de projets dans des zones jusqu’alors limitées en raison d’un droit très strict quant aux nouvelles constructions.
L’obligation de couvrir les parkings de plus de 1500 m²
Un seuil, qui a été négocié par les députés écologistes et insoumis, face au gouvernement qui défendait initialement un seuil de 2.500m². Il est aujourd’hui de 1500 m².
Le Sénat, avait tenté de troquer la logique de surface contre une logique de nombre d’emplacements, en parlant de 80 places. Or, une fois le projet de loi repassé dans les mains de l’Assemblée, celle-ci a décidé de rétablir le critère de surface en m² car certaines entreprises sont dotées de parking dépassant largement cette superficie mais comptant moins de 80 places.
Cette obligation va de paire avec une obligation sur les bâtiments neufs ou lourdement rénovés mais également sur les bâtiments existants.
Bien que la mesure entre en vigueur le 1er juillet 2023, elle s’applique en réalité :
- Le 30 juin 2026, pour les parkings de plus de 400 places.
- Le 30 juin 2028, pour les parkings de 80 à 400 places (dans 5 ans).
L’encadrement plus strict de l'agrivoltaïsme
Les députés ont enfin donné une définition de l’agrivoltïsme : “ne installation agrivoltaïque est une installation de production d’électricité utilisant l’énergie radiative du soleil et dont les modules sont situés sur une parcelle agricole où ils contribuent durablement à l’installation, au maintien ou au développement d’une production agricole”.
Ne peut pas être considérée comme agrivoltaïque une installation qui porte atteinte à au moins l’une des caractéristiques suivantes :
- Garantir une production agricole significative et un revenu durable
- Permettre à l’activité agricole d’être l’activité principale de la parcelle
- être réversible.
- Rendre à la parcelle un des 4 services suivant :
- Amélioration du potentiel et de l’impact agronomique
- Adaptation au changement climatique
- Protection contre les aléas
- Amélioration du bien-être animal
Il ne faudra pas qu’un atteinte à l’un des quatres services ci-dessus ne soit exercées, sans quoi, il ne sera pas possible de qualifier l’installation d’agrivoltaïque et s’ils y a une atteinte limitée, celle-ci ne pourra être que sur l’un des services pour que l’on puisse parler d’agrivoltaïsme.
Un décret déterminera les conditions de déploiement et d’encadrement de l’agrivoltaïsme. Les ouvrages solaires au sol seront interdits sur les terres cultivables. Ils seront uniquement permis sur des terres réputées incultes ou non exploitées depuis plus de dix ans. Un document-cadre proposé par les chambres d’agriculture dans chaque département devra répertorier ces terres. En outre, dans les zones forestières, les installations solaires seront interdites dès lors qu’elles nécessitent d’abattre des arbres.
Les projets citoyens et le partage de la valeur
Au terme du dernier vote de la loi, quelques mots ont finalement été intégrés quant aux projets citoyens mais surtout sur la partage de la valeur. Si l’intégration de la notion de partage de la valeur est la bienvenue, on peut se questionner sur la définition qui en est donnée.
En effet, l’idée du texte sur le partage de la valeurs c’est que les développeurs devront financer des projets locaux en faveur de la transition énergétique, de la lutte contre la précarité énergétique ou de la biodiversité. Cette vision du partage de la valeur ne s’accorde pas avec celle de nombreuses associations présentent dans le secteur de l’énergie qui considèrent que le partage de la valeur c’est quand on ouvre le capital et la gouvernance aux acteurs citoyens.
On peut également regretter que la régionalisation des appels d’offre introduite par l’Assemblée Nationale, ait été retirée. Cela aurait pourtant permis de mieux équilibrer le développement des énergies renouvelables entre différentes régions.
Un mot sur le offshore
Le Sénat en commission avait introduit dans le projet de loi une distance d’éloignement minimale des parcs éoliens en mer à 40 kilomètres des côtes. En séance publique, les sénateurs n’ont finalement pas voté cette mesure, qui aurait considérablement limité les projets en cours dans la Manche et en Méditerranée (on est actuellement à plus de 20 km des côtes).
Pour les éoliennes en mer, une planification à dix ans, pour les quatre façades maritimes, est prévue. Le document stratégique de façade établira d’ici 2024, pour chaque façade maritime, une cartographie des zones maritimes et terrestres prioritaires pour l’implantation des éoliennes offshore et de leurs ouvrages de raccordement. Seront ciblées en priorité des zones propices situées dans la zone économique exclusive et en dehors des parcs nationaux ayant une partie maritime.
Une accélération très lente et complexe à mettre en place
Les principales accélérations pour le développement des énergies renouvelables seront réalisées sur les zones d’accélération définie plus haut. En revanche, il est parfois difficile pour des petites collectivités, ayant un potentiel intéressant sur son territoire, de savoir comment classer ou non une zone.
Il sera nécessaire de les accompagner dans ces démarches afin d’avoir l’établissement de zones cohérentes avec le projet EnR, la faune et la flore en place.
Plus largement, si on peut applaudir l’intervention d’un texte facilitateur en la matière, il faut garder un oeil critique et constater qu’il s’agit d’évolutions très lente, raison pour laquelle les acteurs des territoires (particuliers, entreprises, collectivités) doivent, pour faire avancer la cause, se saisir au plus vite de la question et être, à leur échelle, moteur de nouveaux projets EnR.
Rappelons également qu’un règlement de l’Union européenne (UE) 2022/2577 du 22 décembre 2022 établissant un cadre en vue d’accélérer le déploiement des énergies renouvelables vient conforter la volonté de faire avancer le développement de projets EnR en Europe.
Ce règlement est entré en vigueur le 1er janvier 2023. Il contient des mesures d’urgence visant à simplifier la procédure d’octroi des permis dans le domaine des énergies renouvelables, soit avec des mesures de portée générale, soit en ciblant des technologies.
Le champ juridique semble donc plutôt ouvert pour le développement des énergies renouvelables alors… À VOS PROJETS !
Un petit rappel : Les étapes de promulgation d’une loi
Etape 1: L’initiative de la loi
L’initiative peut venir du gouvernement, on parlera alors de projets de loi, ou des parlementaires, dans ce cas on parlera de propositions de loi. En l’espèce, il s’agit d’une initiative gouvernementale: un projet de loi.
Etape 2 et 3: Le dépôt et l’examen par la première assemblée
Les projets et propositions de loi doivent être examinés par les deux chambres du Parlement, en commençant par la commission permanente parlementaire compétente pour le domaine concerné par la future loi. Des modifications de la loi peuvent être faites au texte initialement proposé, il s’agit alors d’amendements.
Étape 4: Vote de la première assemblée
Le projet ou la proposition de loi sont ensuite examinés et votés en séance publique.
Etape 5: L’examen par la seconde assemblée
La seconde assemblée examine le texte selon les mêmes règles (passage en commission, puis en séance publique). Si la seconde assemblée adopte le texte dans les mêmes termes que la première assemblée, le texte est définitivement adopté. Si la seconde assemblée modifie le texte en adoptant des amendements, le texte modifié doit alors repartir vers la première assemblée pour être à nouveau examiné. Pendant cette phase de va-et-vient, dite de navette parlementaire, entre Assemblée nationale et Sénat, seuls les articles modifiés sont étudiés.
Etape 6: L’adoption
Le projet, ou la proposition de loi, est réputé adopté lorsqu’il est voté dans les mêmes termes par les deux assemblées. Le texte adopté à l’issue de l’examen parlementaire est ensuite promulgué par le président de la République dans les quinze jours.
Notes :
- (1) Sixième rapport d’évaluation du GIEC (AR6), 2021-22
- (2) Sur la réduction des délais, le commissaire enquêteur aura désormais 15 jours pour rendre son rapport pour les projets en énergies renouvelables.