Marché européen de l’électricité : fonctionnement, évolutions …

Rédigé par

Audrey Petit

Catégorie

Économie

Champ Photovoltaïque

La flambée des prix de l’électricité suite à l’invasion de l’Ukraine (mais qui n’est pas la seule cause) a mis en lumière les lacunes du marché européen de l’électricité et la faiblesse – voire l’absence  –  des dispositifs de protection du consommateur final.
Zoom sur le marché de l’électricité et la réforme proposée par la Commission Européenne.

Le marché européen de l’électricité, comment ça marche ?

L’Union Européenne dispose d’un marché intégré de l’électricité depuis plus de 20 ans, dont le premier objectif était d’interconnecter les réseaux européens dans un cadre qui puisse répondre à la demande de l’ensemble des territoires au jour le jour. En effet, puisque l’électricité se stocke difficilement, les marchés de gros ont pour rôle d’équilibrer l’offre et la demande à tout instant.

Les transactions prennent place sur des marchés à terme (plusieurs mois ou années à l’avance) ou sur le marché spot, permettant de négocier l’électricité de la veille au lendemain ou le jour même, jusqu’aux échanges en temps réel. Le prix de gros de l’électricité est déterminé en fonction du coût marginal, soit le coût du dernier mégawattheure produit par la dernière centrale mobilisée pour répondre à la demande, qui est souvent une centrale à gaz. C’est ce qui définit l’ordre de mérite du marché de l’électricité (merit order).

Bien qu’en France, seulement 20% de l’électricité consommée provient du marché européen, ce dernier est au cœur de nombreuses remises en question…

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L’exception ibérique

« L’Espagne et le Portugal sont sortis du marché européen de l’électricité ! » a-t-on pu entendre clamer… Ce qui est totalement faux. La péninsule a mis en place un système de plafonnement des prix du gaz servant à la production d’électricité sur le marché de gros. Ainsi, bien que les prix ne puissent dépasser un certain montant sur le marché de gros, cette dérogation au marché européen n’a été acceptée qu’à condition que le consommateur ibérique paie bien le coût d’équilibrage sur sa facture… À travers une taxe. Donc, l’augmentation du coût de l’électricité est bien visible sur la facture du consommateur, mais c’est la rente infra-marginale qui elle est limitée.

Les défaillances du marché européen de l’électricité … Bientôt comblées ?

 Le problème dans la flambée actuelle des coûts générés par la guerre en Ukraine est que les fournisseurs reportent sur le consommateur final la volatilité des prix de gros dont ils devraient les protéger via les contrats d’approvisionnement de long terme (1 an minimum) sur le marché de détail… Cette protection serait effective si le marché de détail était mieux régulé… Et surtout moins myope.

En effet, dans la doctrine actuelle, ce sont les signaux de marché qui sont censés orienter les investissements. Or, cela a conduit à la pénurie que nous subissons et par conséquence la flambée des prix, du fait d’un manque d’anticipation… Les puissances publiques doivent donc d’avantage inciter les investissements en faveur des objectifs bas carbone et protéger les consommateurs.   

Pour tenter de pallier à ces lacunes, le 14 mars 2023, la Commission Européenne a proposé une réforme du marché de l’électricité européen. Est notamment mis en cause : la tarification au coût marginal. Mais ce n’est pas la seule à être à l’origine de la forte inflation sur les prix de l’électricité. En France par exemple, le marché intègre une « prime de risque » liée à l’indisponibilité du parc nucléaire français, qui,  raréfiant les ressources en électricité du pays, fait grimper le prix. [1]

En ce qui concerne la réforme de la Commission, l’accent est mis sur le développement des différents contrats à long terme encore trop peu utilisés dans l’Union. Il s’agit des contrats pour la différence (CfD) et des contrats de gré à gré (PPA).

Les contrats pour la différence (CfD) consistent à instaurer un « couloir de prix » de l’électricité, avec un plancher et un plafond, à l’intérieur duquel les producteurs d’électricité achètent et vendent sur le marché sans intervention de la puissance publique.

En revanche, lorsque le prix de l’électricité sur le marché de gros est en dessous du prix de plancher défini par le CfD, la puissance publique rémunère les producteurs. À l’inverse, lorsque le prix de l’électricité est supérieur au plafond défini par le CfD, les producteurs rémunèrent la puissance publique.[2]

Cela pourrait même se traduire par une obligation de recourir à ces contrats lorsqu’il y a un soutien public à l’investissement. Rappelons que ce type de mécanisme est déjà la règle pour une bonne partie des énergies renouvelables.

Combinés au PPA, ces mécanismes pourraient assurer la stabilité des prix sur le marché de détail. Les PPA sont des contrats d’achat d’électricité de gré à gré entre deux acteurs privés (producteur et consommateur) à un prix décidé à l’avance. Les fournisseurs d’électricité, en ayant recours à ce type de contrat pour une partie de leur fourniture pourraient ainsi se prévaloir de trop fortes fluctuations sur le marché de gros, et préserver leurs clients.

Finalement, bien que ce projet ne constitue pas en soi une refonte totale du système et l’abandon du merit order, il met l’accent sur les contrats de long terme pour les énergies décarbonées espérant ainsi mieux préserver les consommateurs finaux de la volatilité des prix.

 

 

 

 

 

 

[1] En savoir plus sur le marché de l’électricité : https://tnova.fr/economie-social/finances-macro-economie/decorreler-les-prix-de-lelectricite-de-ceux-du-gaz-mission-impossible/#face-agrave-l-rsquo-envol-eacute-e-et-agrave-la-volatilit-eacute-des-march-eacute-s-de-gros-de-l-rsquo-eacute-lectricit-ea

[2] https://www.euractiv.fr/section/energie/news/bruxelles-invite-le-nucleaire-dans-la-reforme-du-marche-de-lelectricite/